
A ma naissance, j’étais fée. Comme touz les bébéz. Je pouvais voler. Rêver. J’étais hors de l’abri noir de ma mère pour être dans la lumière arc-en-ciel de la vie. Le sentiment était enivrant, délivrant mais de courte durée. Parce que comme touz les féex et les bébéx, j’ai été assigné.
Fille.
Fini de jouer, fini de rêver, plus moyen de voler, les ailes m’ont été coupées. Respecter des règles et des normes. Etre sage, polie, gentille. Et encore sage, poli, gentille. Je voulais bien faire, je voulais bien plaire alors j’ai joué le jeu. Je n’avais pas d’évasion qu’à travers la télévision où je me permettais de rêver d’aventure. Aller avec les chevaliers du Zodiak sauver Athéna, où aider Sakura à retrouver les cartes.
Dans les livres aussi je trouvais ce refuge, ces mondes parallèles où je pouvais avoir de la force, du caractère, ne pas me laisser faire, avoir un corps puissant, sortir des rangs. Mais dans la vie tangible, je sentais les limites de l’imposition de cette assignation.
Une fois que j’ai plus ou moins compris ce que fille voulait dire, c’était déjà le temps d’être une femme. J’ai essayé aussi pas mal d’années. J’ai bien conformé mes rêves et attentes. Et puis y a un truc qui a bouilli dans le dedans. Je ne sais plus quelle a été la goutte exactement. Ça avait à voir avec les enfants. Et que j’ai compris que je pouvais choisir d’être maman. Qu’en fait y avait un choix à faire et je pouvais refuser. Ça m’a permis un premier pas vers ma liberté. Mon refus état d’abord verbal. Faire savoir à mon entourage que non merci, ça ne sera pas pour moi. Je voulais encore être femme même sans le déchirement de mes entrailles.
Et en même temps, le mot ne collait bien plus à ma peau. Je me reconnaissais de plus en plus comme une femelle mais une femme ? Peut-être parc que j’avais trop la rage de tous ces codes que j’avais bouffés, de toutes ces règles que j’avais respectées, de tous ces rêves que j’avais oubliés, de mon enfance qui me manquait tant. La joie de s’imaginer faire plein de choses, d’être fier.
Alors là, ce choix-là, de ne pas être mère, j’l’ai gravé dans mes chairs. Comme une femelle, comme la licorne que je voulais être, j’ai stérilisé ma potentielle maternité. Je me suis permis de décider qui et comment je voulais être. Je reprenais les rennes. Je ne voulais plus que me plaire à moi. Tant pis pour les autres si ça ne plaisait pas.
J’affirmais de plus en plus que je me sentais femelle ou flamme mais clairement que femme je n’étais pas. Je n’en voulais plus de ça, de ce poids-là.
J’ai repris à nouveau ma faculté à rêver. De me donner des aider pour aller plus haut. De redevenir fée après tant d’années. Je revois la petite fille en moi et je la prends fort dans mes bras. J’ai envie de lui expliquer que plaire à d’autres, c’est une perte de temps. Une galère, une guerre que tu ne peux pas gagner. Y a aura toujours un truc à changer. J’ai envie de la féliciter, l’enqueerager à rêver, à assumer son identité, la fluidité qu’elle aura peut-être envie d’expérimenter. Lui expliquer que rien n’est figé.
Aujourd’hui, je me sens flamme. Je me sens S.A.L.O.P.E.S., guerriaire, fée, j’ai à nouveaux des ailes. Et si je suis toujours femelle, je suis hors de ma cage. Trop tard pour le domptage, j’ai trop donné, trop d’années, je vais vers ma nature sauvage.
Je suis bitchounours. Je crois dans le pouvoir de l’Amour pour faire sauter cette binarité dans laquelle on est englué, ces moules qui nous conforment et uniformisent nos altérités. Sans la naïveté des bisounours. J’ai des crocs prêts à déformer celleux qui veulent dompter et diviser le monde.
Je sais qu’al y a une horde quelque part dans le monde de personnes comme moi. Je sens qu’al va y avoir plein d’aventures et c’est super palpitant. Même plus besoin de la télé maintenant. Age adulte et rêves d’enfants, peut-être que l’évolution c’est de devenir enfulte et de briser les frontières qui nous casent entre les âges avec tant de distinction ? Les frontières autour et entre nos êtres sont nos propres prisons.
Vive la grrrêvolution des bitchounours !