Mon amour est rêvolutionnaire. Celui de moi à moi pour commencer. Parce que ça ne va pas de soi. De m’aimer moi, pour qui je suis, m’apercevoir vraiment et trouver que je suis une belle âme, ça ne coule pas de source. Le fardeau d’une femelle humaine. Faire partie du clan minorisé, minimisé, invisibilisé, sous-évalué, sous-estimé, silencié.
Éduquer dans la sensation que je n’étais pas dans le bon, vu mon sexe. Bienvenue dans le monde patriarcal qui te donne à croire que l’homme vrai c’est ce que tu dois être. Qu’importe ton sexe de naissance tu dois te plier à cette injonction de conformisme. Renier le con dont tu es sorti.e.x et essayer de te viriliser. De te déshumaniser. Oui, c’est ce que le mâle fait. L’homme vrai laisse derrière lui ses émotions et ses connexions sincères pour paraitre autonome et indépendant.
Tout en façade, assurément.
Société de l’image qui empêche de voir derrière les masques qu’on porte. Déjà bien avant la pandémie, évidemment. Donc j’ai grandi dans cette honte d’être moi. De cette vulnérabilité encombrante, de mes sentiments qui explosent tout le temps, de mes larmes qui coulent tels des torrents. Super souvent. Trop pour beaucoup de gens. Trop c’st ce que j’ai peur d’être tout le temps. Trop demandante, trop présente, trop sentimentale, trop extrême, trop en colère, trop collante. Trop, trop, trop. Trop moi. Cette peur d’être vrai et authentique c’est grâce à des thérapies que j’ai pu l’adoucir. Commencer doucement à m’aimer.
Être capable de percevoir ce que j’aimais en moi. Être fière de la personne que je suis. Pas tout le temps mais plus régulièrement. L’amour de soii ne vient pas comme ça. Pas dans une société qui vise à uniformiser les mentalités, qui brise les individualités, qui valorise les clichés, qui nous fait taire nos vulnérabilités et qui vante la masculinité toxique comme unique porte de réussite.
Pour s’aimer soi, ça demande du travail. Du temps, de l’énergie et de l’argent. Ca passe par panser des blessures d’enfance. Regarder les merdes accumulées au fur et à mesure des années et trouver des trucs pour les gérer. Affronter ses fêlures. Toutes ne pourront être cicatrisées. Mais les connaitre, les reconnaitre permet d’avancer. Mieux se connaitre c’st quand même une sacré belle clé pour avancer et se lier à d’autres personnes. C’est ça qui rend autonome. La connaissance de ses sentiments et l’écoute de l’autre.
Ca permet de voir qu’elle est sa part de responsabilité dans une situation donnée. Qu’est-ce qui vient de tes blessures que l’autre vient réveiller sans y penser et tu peux alors avancer. Trouver les pas pour danser dans cette intimité qui se co-crée.
L’amour de soi ne vient pas comme ça. Ne va pas de soi sur cette planète.
Actuellement, j’ai fait le bilan de ce travail de soin que je poursuis. En 3 ans, j’aurais dépensé 2500€, passé 90h en travail psy (estimation clairement à la baisse, qui n’inclut pas les stages d’auto-défense et les soins informelles données par les copaines).
Comment mesurer l’énergie que j’y ai mise ? Que j’y consacre encore, de ton mon coeurps ? Pour me penser autrement, pour panser mes plaies sereinement.
Le mâle tout puissant de notre société patriarcale ne m’a pas épargné. Et tout ce travail de soin est invisibilisé. A quoi bon l’amour de soi finalement ? Surtout en tant qu’homme. Tu n’as qu’à prendre l’amour, l’attention, l’affection que les femmes de ta vie te donne. Sans rendre des compte, habitude de la réception. Le don de soi, ce n’est pas pour toi.
J’aimerais que les hommes de ma vie, mes frères, mes pairs, mes amants, mon entourage entier et oui, j’ose rêver, les hommes du monde entier, perçoivent à quel point leur indépendance n’est que de façade vu que niveau autonomie et travail sentimental ils ne sont nulle part. Et que donc ils profitent de moi. Et de toutes les femmes de leur vie. Qui ont été éduquées/socialisées dans le soin de l’autre, l’écoute, la douceur. Les hommes récoltent le fruit du travail de soin des femmes alors qu’ils participent à semer les graines de nos mal-êtres. Celui de ne pas être eux donc d’être moins bien. Satanés mécanismes ingérés qu’on n’ose pas nommer. Sexisme intégré dans nos psychés. Impossible à déloger à sans y travailler, sans être accompagné.
C’est donc nos intimités que tout est joué. Dans ces zones qu’on ne veut parager parce que c’st intime. C’est là que se joue la politique. C’est là que se trouve la révolution.
Mon amour pour toi, homme de ma vie, est rêvolutionnaire. Si je choisis de continuer à entretenir une relation avec toi c’est parce que j’ai confiance que tu peux changer. Et même que tu souhaites aussi te libérer de ce poids que la société te fait porter. De ce masque d’indifférence sous lequel tu étouffes, sans souvent le remarquer. Que tu ne veux pas être un oppresseur et que donc tu vas prendre à coeur ta déconstruction. Oui, c’est du travail mais pas de ouin-ouin-isme.
Tu n’as pas choisi ce privilège mais tu hérites de cette responsabilité. A toi de jouer pour participer à remettre de l’égalité dans tes interactions avec les femmes de ta vie. Et puis moi je sais que je peux vivre sans toi en fait. Ca me ferait chier, hein, je rêve d’une vie en mixité et en égalité mais si tu ne souhaites pas changer, je m’en irai vers des contrées en mixité choisie.:-) Aussi, à partir de maintenant, je souhaite valoriser et visibiliser le travail de soin émotionnel que tu me demandes parfois de faire pour toi. Et de te demander de payer pour ça. Si tu ne vois pas de psy, ne compte plus sur moi faire le faire gratis. J’en ai marre de passer du temps et de l’énergie là-dedans. J’ai aussi des choses à racontrer, autre que m’échiner à t’aider à comprendre pourquoi tu te sens pas bien.
C’EST UN PUTAIN DE TRAVAIL QUE COMPRENDRE SES ÉMOTIONS, BORDEL.
JE GÈRE LES MIENNES, MERCI D’EN FAIRE PAREIL.
Ce qui m’enrage c’est parfois que je passe tellement de temps à donner de mon énergie à des hommes qui ne savent pas gérer leurs émotions que j’en ai plus pour mes soeurs qui sont dans la galère et dont personne ne prendra soin si ce n’est d’autres femmes.
Voilà ma facture pour les prochaines fois. La cup est pleine. Je ne veux plus de ce travail émotionnel invisiblisé. SI je le fais, c’est consciemment.
Merci d’en faire autant.
Mon amour pour toi est rêvolutionnaire, j’aimerais que le tien en soi autant. Prends soin. De toi et des autres.
Ps : si tu veux participer à mes frais de thérapie, n’hésite pas ! BE81 3101 4363 1424 😉
Pps : je suis une femelle blanche cis-genre dans un corps valide et standard, c’est donc plus facile pour moi que nombreuses de mes soeurx.s et j’en suis consciente. Al est clair pour moi que le problème c’est aussi que la masculinité toxique et globalisé est blanche et coloniale. La rêvolution sera intersectionnelle !
Ppps : c’est clair que le problème c’est aussi cette foutue hétérosexualité qui t’empêchent, à toi homme, de créer des liens authentiques avec des hommes sans crainte d’être « homo ». Si tu pouvais créer des relations sincères et à coeur ouverts avec tes pots, ça nous allègerait déjà pas mal 😀